Cette méditation de Marthe Robin pour la fête de l’Ascension est extraite de son “Journal”
Ascension.
« Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père !… »
Seigneur, nous vous aimons !… Doux Seigneur Jésus, nous vous bénissons. Oui, mon Dieu, c’est vous que nous aimons, et non pas nous en vous ! Grande est notre joie en ce jour ! Si grande qu’en sont étouffées les douleurs de la séparation !
Notre joie est grande, parce que maintenant vous jouissez de la gloire infinie, assis à la droite du Père ! Notre joie est grande, parce que la malice humaine ne peut rien contre vous : cette gloire intime est inaltérable ! C’est pour toujours que Marie, votre sainte Mère, saint Joseph, le gardien et le protecteur de votre enfance, les anges et les bienheureux, chanteront l’éternel « Hosanna ».
Oui, soyez heureux, divin Jésus ! Votre corps mystique continue votre Passion : c’est assez pour nous de vous savoir heureux… infiniment heureux… à l’abri de la perversité de tant de vos créatures.
Le Seigneur est monté aux cieux au milieu des cris de joie. Il s’est élevé dans les airs au milieu des applaudissements d’une foule ahurie ! Alleluia, alleluia !…
Oui, il est juste, il est bon qu’avec vous et pour vous, je repasse par ce chemin de soupirs et de larmes où vous avez passé tout seul pour l’amour de < >. Ô mon Bien-aimé, vous avez souffert pour moi et sans moi alors que, n’existant pas encore, je n’étais pas capable de souffrir. Aujourd’hui, c’est à votre tour de n’en être point capable. Votre gloire si abondamment méritée vous soustrait à la souffrance. Souffrez donc en moi désormais, mon Jésus, puisque je suis votre victime, et que durant tout le temps de ma formation surnaturelle je demeure passible comme vous, ô mon chef divin, l’avez été jusqu’à la mort.
Nous nous réjouissons donc, doux Seigneur Jésus, de votre ascension, parce que nous savons bien que là-haut, près de votre Père, vous ne souffrirez plus ; les hommes ne pourront plus vous crucifier !… Nous nous en réjouissons pour vous.
Cependant, vous avez voulu que les bienfaits de votre glorieuse Ascension rejaillissent aussi sur nous. Vous nous en donnez la ferme et consolante assurance en vous adressant à vos apôtres et, par eux, à toutes les âmes : « Si quelqu’un m’aime, dites-vous, mon Père l’aimera et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure… Je prierai le Père et il vous donnera un autre consolateur, l’Esprit de Vérité, qui habitera chez vous, et sera en vous. » Que de merveilles sous ces mots ! Que d’infinies profondeur et simplicité !…
La grâce, l’Eucharistie, la communion, l’admission ineffable à l’éternelle vie de la Trinité… Voilà ce que Jésus, en disparaissant, a légué à ses apôtres ; à ses apôtres et à tous ceux « qui par eux croiront en lui !… » « Il vous est bon que je m’en aille. »
Ô Seigneur !… vous savoir au ciel nous suffit, et vous voulez que nous nous réjouissions encore des grâces du mystère de ce jour ?… Nous reconnaissons là une des preuves de votre inépuisable bonté pour nous. Montrez-nous, ô Maître bien-aimé, quelques-unes de ces richesses surnaturelles que vous nous offrez en cette fête ! Envoyez-nous votre divin Esprit, pour qu’au contact de votre Parole, nos intelligences s’illuminent, pour que nos coeurs s’enflamment et tout notre être se consume comme une torche vivante dans la prière et l’immolation perpétuelle, afin de racheter, par notre propre sanctification, les errements de l’humanité pécheresse, et de maintenir dans son sein un foyer d’amour toujours embrasé…
Par votre glorieuse Ascension, divin Jésus, fortifiez notre espérance ! Toute mon espérance est en vous, ô Jésus !
Qui pourrait me séparer de l’amour du Christ, mon Sauveur ?… Non, ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni la hauteur, ni l’abîme, ni aucune autre créature ne pourra me séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus Notre Seigneur !…
Votre glorieuse Ascension, ô doux Jésus, est aussi un précieux stimulant pour notre charité. Loin de nos yeux de chair, vous resterez cependant près de nos coeurs si nous sommes fidèles à la grâce. Vous nous arrachez en effet à la terre pour porter notre attention, toute notre attention, vers le ciel, et vous captivez nos coeurs.
Votre Ascension, Seigneur Jésus, ne nous arrache pas seulement à la terre pour nous placer dans le ciel : elle grandit aussi notre charité.
Les faibles amours réclament, il est vrai, pour vivre, la présence de l’objet aimé ; sinon, même sans être retenus par les préoccupations de la vie courante, ils finissent par disparaître. Il en est autrement des fortes passions qui s’affermissent dans la poursuite de l’objet aimé. Après une longue séparation, certaines affections connaissent une intensité nouvelle.
Qui dira, ô mon Bien-aimé, les désirs embrasés d’une âme follement éprise de vous, qui incessamment vous cherche, et dont la soif croît sans cesse, à plus vous semblez vous éloigner.
Sans doute, nous avons l’Eucharistie qui nous permet de posséder le Bien-aimé, mais que durent nos rencontres ? Les enivrements d’une vision sont fugitifs et si rares, et les heures d’obscurité si nombreuses.
Après chaque visite, vous me laissez avec une soif dévorante de votre adorable présence… et écrasée de bonheur, je me relève haletante, aspirant plus vivement encore à l’éternelle union.
Quand donc apaiserez-vous ma soif brûlante ?… Quand donc ne fuirez-vous plus devant mon âme qui vous cherche et qui agonise loin de vous ?…
« Je m’éloigne, me répondez-vous, pour aviver ton désir de me posséder, car plus ce désir sera grand, plus grandira ta capacité d’aimer, et plus tu me posséderas au ciel.
Je prends plaisir à me dérober aux âmes les plus chères, afin de les éprouver. Ainsi, je feins de t’abandonner ; mais ne t’afflige pas, ce n’est pas un châtiment, c’est une invention de ma tendresse pour te détacher entièrement des créatures et pour t’unir encore plus intimement à moi. »
Que de grâces vous m’offrez en cette fête de l’Ascension, ô mon Dieu ! Ô bon Jésus, merci ! Merci de bien vouloir me donner l’occasion d’aviver ma foi, de me rappeler que les enivrements de la vision ne sont pas pour la terre.
Merci de me faire connaître que je dois espérer avec confiance mon salut ! Merci enfin, de m’avoir arrachée si amoureusement à la terre pour que grandisse ma capacité d’aimer, jusqu’au jour sans couchant, où je ne vivrai plus que d’amour dans la Trinité.
Oui, Jésus, votre départ était bien utile à nos âmes.
Mais hélas ! quelle est bien souvent notre attitude devant ces grâces si libéralement présentées ? Est-ce que nous ne les avons pas laissé passer trop souvent, ces grâces de votre Ascension, ô mon Jésus ?…
Pensons-nous à développer notre foi ? Au lieu d’aspirer aux lumières extraordinaires, aimons-nous assez ces ombres qui rendent méritoires les conquêtes patientes de notre intelligence ?
Avons-nous pensé que nous sommes déjà au ciel par l’état de grâce et que nous pouvons espérer y aller un jour, puisque Jésus nous a pris avec lui, nous a assimilés à lui, et qu’il intercède en notre faveur auprès de son Père, qui est aussi notre Père ?
Avons-nous compris que l’intensité de la lumière de gloire sera proportionnée à la mesure de notre charité ici-bas, lorsque nous paraîtrons devant l’adorable Trinité ?… Avons-nous enfin le permanent souci d’agrandir notre capacité d’aimer ? Hélas ! que de défaillances à déplorer probablement, ô mon aimable Sauveur… Pardon, Seigneur ! Pardon pour moi et pour tous les hommes ! Je compte sur votre infinie tendresse : votre Ascension sera aussi pour moi source de joie. Avec votre divin secours, les grâces nombreuses que j’ai reçues à l’occasion de cette fête ne passeront pas inaperçues.
Oui, je compte sur votre divin secours : sans vous, je ne puis rien faire, et mes plus généreuses résolutions resteraient sans valeur et sans fruits, si elles n’étaient fécondées par la grâce.
Donnez-moi, Seigneur, donnez-moi surtout un ardent amour, et la flamme nécessaire pour remplir dignement ma sublime mission de porteuse de lumière et de chaleur. Que je sois sans cesse un petit brasier toujours ardent. Car si je mène une vie molle et languissante, votre glorieuse Ascension ne sera plus aussi salutaire à mon âme et à ma vie.
Votre éloignement apparent ne me permettra de développer les vertus déposées par vous dans mon âme, que si déjà une profonde et inaltérable charité m’anime tout entière ; sinon, avec le temps, votre divine présence, sans s’effacer jamais, resterait cependant en quelque sorte inopérante.
Donc, ô mon très doux Jésus, si je ne dois plus connaître ce feu intense qui consume sans brûler, qui dévore sans détruire… si je ne puis répéter avec la conviction d’un saint Paul : « Cupio dissolvi et esse cum Christo », du moins avec toute la force de ma volonté, avec toute la ferveur de ma tendresse, écrasée sous le poids de ma misère, de mon immense misère, et dans la vue des attraits qui sollicitent mon âme auxquels je ne puis renoncer, je vous demande de m’arracher à la vallée de mon néant, et à la vallée plus profonde encore de mon péché. Emportez-moi avec vous ! J’ai soif de vous, ô mon Dieu !… Venez… attirez-moi ! A tout prix je veux vous suivre : en méritant, en me donnant, en aimant… A tout prix, je veux vous rejoindre, non pas pour être plus heureuse – je le suis en vous – mais pour vous contempler, vous aimer et vous bénir sans fin.
^ Marthe Robin, Extrait de son “Journal” (Ascension – 5 mai 1932)
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